Un projet en collaboration avec Patrick Komorowski.

 

En 1964, dans la campagne proche de Varsovie, à Zalesie, le photographe Eustache Kossakowski réalise une série d’images montrant le sculpteur Edward Krasiński en train d’installer successivement deux objets spatiaux intitulés La Lance.

Retrouvée dans l’archive photographique de Kossakowski après la disparition des deux protagonistes, cette série a depuis été exposée, publiée, et commentée par des historiens de l’art, redéfinissant à chaque occasion son statut : entre œuvre d’art et simple documentation artistique. L’histoire de l’art du vingtième siècle comporte de nombreux cas de photographies menant une vie en toute indépendance de ceux qui en furent à l’origine. Le mouvement récent de réévaluation critique du travail des artistes des pays de l’ancien bloc de l’Est, accompagné par la redécouverte d’archives photographiques, a encore accentué cette vitalité de l’image, ouvrant à une sensibilité plus précise à l’égard des œuvres de ces artistes, voire même une toute nouvelle sensibilité.

L’incertitude du statut de cette série vient également de son contexte. On ne connaît pas les motifs exacts qui ont décidé l’installation des sculptures par Krasiński et son enregistrement photographique par Kossakowski. Sans doute s’agit-il avant tout d’une volonté d’expérimentation du sculpteur qui profite de la présence à Zalesie ce jour-là du photographe et des témoins-assistants. Cette session coïncide à la période où les deux hommes ont noué des liens d’amitié, elle marque le début d’une relation de travail souple et féconde qui conduisit Kossakowski à devenir au fil des ans l’auteur d’une riche documentation artistique sur les expositions et les actions de Krasiński. Cette collaboration amènera également Krasiński à intégrer la photographie dans sa pratique en procédant à des remplois dans certaines de ses œuvres des vues de ses expositions individuelles, ou en se livrant délibérément à des mises en scène de sa propre personne devant l’objectif. La particularité des images réalisées en 1964 repose donc sur la nature amicale de la relation des deux hommes évacuant tout lien de subordination du photographe au sculpteur – de la reproduction à l’œuvre originale, pourrions-nous ajouter -, mais aussi sur le mode opératoire emprunté à la pratique du reportage, dont Kossakowski était à l’époque l’un des plus éminents représentants polonais. Ces images nous renseignent également sur la pratique artistique de Krasiński dans le courant des années 1960, sur son engagement à envisager l’art en dehors des cadres institués de l’atelier, de la galerie ou du musée, ou sur son souci à traduire le mouvement sous une forme sculpturale. Il n’en demeure pas moins qu’à travers l’œil de Kossakowski ces photographies prennent un accent théâtral et laissent apparaître une image poétique de Krasiński, tour à tour, chevalier, musicien ou pêcheur, qui ne cesse de mettre notre imagination en mouvement. (PK)

Après une présentation des photographies à la galerie France Fiction, Un séminaire à la campagne aura lieu dans la campagne proche de Paris. Même s’il en emprunte le décor, ce dernier ne se veut pas la réactualisation de la situation qui s’est déroulée à Zalesie en 1964. La série sera le point de départ et d’arrivée d’une journée pendant laquelle des participants seront invités à proposer un commentaire esthétique, historique, philosophique, sociologique, astrologique, sonore, visuel… des photographies.